Un tribunal espagnol a récemment annoncé qu’il avait clos une enquête sur trois personnes liées au président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de longue date de la Guinée équatoriale. Cependant, cette affaire a suscité une controverse, car ces personnes sont accusées d’avoir kidnappé et torturé des opposants politiques. Cette accusation n’est pas nouvelle, de nombreux groupes de défense des droits de l’homme pointant du doigt le gouvernement d’Obiang pour des détentions arbitraires et des actes de torture tout au long de ses 40 ans de règne sur cette ancienne colonie espagnole en Afrique centrale.
En janvier 2023, la Haute Cour espagnole a ouvert une enquête sur trois hommes soupçonnés d’avoir enlevé et torturé quatre dissidents opposés au gouvernement d’Obiang. Ces derniers ont été arrêtés au Soudan du Sud en 2019, puis envoyés en Guinée équatoriale en avion. Parmi les suspects, on retrouve Carmelo Ovono Obiang, le fils d’Obiang, ainsi que son directeur de la sécurité, Isaac Nguema Endo, et son ministre de la Sécurité, Nicolas Obama Nchama. Le tribunal, spécialisé dans les affaires criminelles majeures, avait ouvert cette enquête suite à une plainte déposée par les proches des victimes.
Cependant, le juge Santiago Pedraz, en charge de l’affaire, a pris la décision de transférer l’enquête à la Guinée équatoriale. Ce pays avait en effet demandé à être responsable de l’enquête sur l’enlèvement et la disparition présumés de ces quatre membres du mouvement d’opposition MLGE3R, basé en Espagne. Cette abréviation signifie Mouvement de libération de la troisième République de Guinée équatoriale, pays qui a proclamé son indépendance en 1968 après avoir été colonie espagnole. Deux des dissidents enlevés étaient des ressortissants espagnols, tandis que les deux autres étaient des citoyens de Guinée équatoriale vivant en Espagne.
Le juge Pedraz a motivé sa décision en expliquant qu’il n’y avait « aucun élément permettant de penser que ces actes ont été commis en Espagne ». En effet, selon la loi espagnole, les tribunaux sont compétents pour enquêter et poursuivre des crimes présumés commis à l’étranger si suffisamment de preuves existent. L’un des dissidents, Julio Obama Mefuman, possédait la nationalité espagnole et est décédé en prison à Mongomo, dans l’est du pays, selon son mouvement d’opposition MLGE3R. Cependant, le gouvernement de la Guinée équatoriale a affirmé qu’il était mort à l’hôpital des suites d’une maladie dont il souffrait.
Cette affaire a entraîné des tensions diplomatiques entre l’Espagne et la Guinée équatoriale, le vice-président Teodoro Nguema Obiang Mangue, également fils d’Obiang, accusant l’Espagne d’ingérence après l’ouverture de l’enquête par la Haute Cour. Ce dernier, âgé de 81 ans, dirige d’une main de fer la Guinée équatoriale, un pays riche en pétrole, depuis qu’il a pris le pouvoir suite à un coup d’État en 1979, 11 ans après l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne. Il est ainsi le président ayant la plus longue longévité au monde, ce qui lui vaut d’être fortement critiqué par les défenseurs des droits de l’homme pour sa répression de toute opposition politique.