J’avais l’habitude de la nommer « Madame Kathy » jusqu’à ce qu’elle me demande de l’appeler simplement Kathy. C’est une coutume ghanéenne de montrer un certain respect envers ses aînés en les appelant par leur nom.
L’écart d’âge entre Kathy et moi est de huit ans, elle est également ma supérieure au travail. Au fil du temps, elle est devenue plus qu’une collègue, elle est devenue mon amie, la seule à me parler en dehors du travail. Elle était curieuse de savoir comment je passais mes week-ends. La nuit, elle m’appelait souvent, m’envoyant des SMS et me posant des questions. Je n’ai jamais pensé qu’il y avait autre chose que de l’amitié entre nous, Kathy était mariée et semblait heureuse dans son mariage.
Mais un jour, nous avons parlé des relations amoureuses. Je lui ai alors avoué être célibataire, et elle a réagi avec surprise :
« Toi, à ton âge ? Tu as besoin d’une petite amie ! Sinon, je t’en trouverai une. »
Nous avons ri de bon cœur, comme si c’était une plaisanterie, mais les jours qui ont suivi ont prouvé que Kathy était sérieuse. Elle me montrait du doigt des femmes dans le hall de la banque et me faisait un clin d’œil. Je lui répondais avec un clin d’œil complice et nous riions ensemble. Lorsque la femme en question venait à mon bureau, Kathy m’envoyait un message :
« C’est peut-être ta dernière chance, ne la laisse pas filer, prends son numéro. »
Mais jamais je n’ai appelé ces femmes. Un mois plus tard, lassée de mes excuses, elle m’a finalement demandé :
« Dis-moi la vérité, tu n’aimes pas les femmes n’est-ce pas ? ».
Sa façon de dire cela et son sérieux m’ont fait éclater de rire.
« Comment peux-tu dire une chose pareille ? Bien sûr que j’aime les femmes, mais je ne suis simplement pas prêt. La dernière relation que j’ai eue m’a blessé, alors je prends mon temps. »
En parlant de mon passé amoureux, nous nous sommes rapprochés. Une nuit où elle n’arrivait pas à dormir, elle m’a appelé au téléphone et nous avons parlé toute la nuit. Elle m’a confié ses regrets concernant un homme qu’elle aurait dû épouser, mais qu’elle n’a pas eu la patience d’attendre. Elle m’a parlé de leurs beaux moments ensemble et du jour où tout a mal tourné.
« Je regrette de ne pas avoir été patiente, c’est de ma faute si notre mariage n’a pas eu lieu. Il était sincère avec moi, mais je pensais qu’il me trompait. »
J’ai essayé de la réconforter en lui disant que finalement, tout s’était bien passé pour elle. Elle avait un mari et une famille magnifique. Mais elle m’a confié :
« Une famille magnifique ? Je ne peux pas tout te dire, mais la beauté et ma vie sont deux mondes totalement différents ».
C’était le premier signe que tout ne se passait pas comme je le pensais. J’ai commencé à me poser des questions. « Où est son mari pour qu’elle soit toujours au téléphone avec moi ? Ne serait-il pas jaloux ou fâché s’il apprenait ça ? »
Mais je continuais à penser que Kathy était une personne honnête et qu’elle ne ferait rien qui puisse mettre en danger son mariage. De plus, je l’appréciais énormément, pas d’un point de vue romantique, mais comme une amie précieuse. Elle était également mon soutien au travail, elle me défendait et me soutenait auprès de nos supérieurs. Elle était ma porte-parole au travail et me mentionnait même dans les hautes sphères de l’entreprise.
Un soir, j’ai été perturbé par un message de Kathy. Elle m’a dit :
« Je n’arrive pas à trouver le sommeil. »
C’était un soir où son mari était en ville, comme d’habitude lorsqu’il revenait de voyage. Je savais bien que pendant ces moments-là, nous ne nous parlions pas. Kathy lui consacrait tout son temps jusqu’à ce qu’il reparte. J’ai lu son message à plusieurs reprises, attendant de voir ce qu’elle allait m’expliquer. Je lui ai répondu :
« Je pensais que ton mari était là ou qu’il n’était pas encore arrivé. »
Kathy m’a répondu :
« Ce bon à rien ? Il est là, à ronfler comme d’habitude. C’est tout ce qu’il sait faire. »
Cependant, jamais dans toutes nos conversations, elle n’a sous-entendu que son mari était un bon à rien. J’ai alors hésité. Je lui ai demandé : « Kathy ? »
Elle m’a répondu : « Oui. es-tu surpris qu’il soit bon à rien ? Quel bon mari rentrerait à la maison après un voyage et ronflerait en laissant sa femme éveillée ? Quoi qu’il en soit, arrêtons de parler de lui. Tu me manques. Quand viens-tu me voir ? »
Je n’avais aucune idée d’où habitait Kathy car je n’étais jamais allé chez elle. Ses messages me paraissaient pour le moins étranges. « Peut-être qu’elle a trop bu ? », me suis-je questionné. J’ai réfléchi longuement avant de lui répondre : « On dirait que tu manques de clarté. Bonne nuit en tout cas. On en parlera demain. »
Elle m’a alors répondu : « Tu veux dire que tu me rendras visite demain ? Youpi !! ».
J’ai compris. Ce n’était pas Kathy qui échangeait avec moi ces messages. J’ai arrêté ma connexion et je me suis couché. Mais je n’ai pas vraiment réussi à dormir. J’étais préoccupé par notre conversation.
« Est-ce que cela pourrait être son mari ? Qu’est-ce qui pourrait le pousser à agir de la sorte ? »
Le lendemain matin, lorsque Kathy est arrivée au bureau, je me suis précipité dans son bureau pour lui demander si tout allait bien.
« Tu as agi bizarrement hier soir. Qu’est-ce qui ne va pas ? »
Comme je m’y attendais, elle m’a répondu :
« Qu’est-ce que j’ai fait hier soir ? Je me suis couchée très tôt car j’étais épuisée. »
Je lui ai alors montré nos échanges. Incrédule, elle a secoué la tête en lisant les messages. Elle m’a montré son téléphone, et les messages ne figuraient pas. Elle m’a expliqué :
« Ce n’est pas moi qui l’ai fait, mais je sais qui l’a fait. Ne t’inquiéte pas. Je vais m’en occuper à partir de maintenant. »
Trois mois plus tard, ils ont décidé de se séparer. Au moment où je rédige ces lignes, ils sont divorcés. Pendant la procédure de divorce, j’ai tout fait pour l’en dissuader. Je me sentais coupable. J’avais l’impression d’être en partie responsable de leur séparation. Je n’aurais jamais dû lui montrer ces messages, car je savais qu’ils ne venaient pas d’elle. Tout au long de cette période, elle n’a cessé de me répéter :
« C’est plus profond que ce que tu penses. Ce n’est pas toi. Je suis juste fatiguée. »
Oui, ce n’était pas moi, mais c’est ces messages qui ont mis le feu aux poudres. Je l’ai suppliée de donner une autre chance à son mariage. Mais elle n’a pas écouté. Elle a divorcé et à l’heure où je vous écris, elle se rend au travail sans sa bague de mariage.
Tout va bien pour nous, mais chaque fois que je repense à cette histoire ou que je vois son doigt nu, je ressens une boule de culpabilité dans ma gorge, car c’est moi qui ai encouragé la fin de leur mariage.
Alors que je me sens coupable, Kathy me remercie de lui avoir donné le courage de quitter un mariage qui ne fonctionnait pas. Elle m’a dit :
« Je t’aime plus qu’il y a quelques années parce que tu fais désormais partie de mon histoire. La partie où j’ai trouvé ma libération ».
Cela lui a été bénéfique, mais pour ma part, je suis encore rongé par la culpabilité d’avoir contribué à défaire ce que Dieu a réuni.