Alors que le 5 décembre marque le 10e anniversaire de sa disparition, Nelson Mandela doit se retourner dans sa tombe en voyant les couleurs de l’arc-en-ciel qu’il a si ardemment défendues se ternir et s’estomper.
Madiba, père de la nation « Arc-en-ciel », a travaillé sans relâche pour réunir une nation divisée par l’apartheid, pourtant aujourd’hui la nation qu’il a laissée derrière lui traverse une période difficile. Cette symphonie inachevée, brutalement interrompue par la mort de ce grand homme, aurait pu reprendre grâce à ses successeurs.
Malheureusement, les nouveaux leaders de l’ANC ont détourné la lutte historique contre l’apartheid pour servir leurs intérêts personnels et égoïstes. Ils ont oublié les 27 années de prison endurées par Mandela ainsi que sa détermination à offrir une seconde chance à l’Afrique du Sud en éradiquant les traces laissées par la discrimination raciale.
Malgré ses efforts, le célèbre détenu du matricule 46664, éprouvé par les années passées derrière les barreaux et par les séquelles physiques, n’a pu poursuivre le combat avec la même énergie. Preuve en est, il n’a pu effectuer qu’un seul mandat présidentiel de 1994 à 1999, accompagné de son prédécesseur l’ancien président Frederik de Klerk, également récipiendaire du Prix Nobel de la paix. Cependant, Mandela a su jouer son rôle de chef de la paix et de la réconciliation alors que le pays était aux prises avec d’innombrables défis tels que les inégalités économiques et sociales, lesquelles touchaient majoritairement les Noirs.
Après sa retraite, Madiba a continué à soutenir des associations luttant contre le SIDA et la pauvreté ainsi que des organisations défendant les droits de l’homme. Malheureusement, il n’aura pas réussi à inculquer à ses successeurs les valeurs d’altruisme, de patriotisme et d’intégrité. Très vite, le pouvoir est devenu pour les dirigeants de l’ANC une opportunité de s’enrichir personnellement à un niveau astronomique. La corruption est devenue un sport national au sein du parti, faisant souvent la une des journaux sous les mandats de Jacob Zuma puis de Cyril Ramaphosa.
En parallèle, des problèmes tels que le chômage, la drogue, les braquages, les meurtres et autres crimes ont pris le dessus et touchent aujourd’hui une jeunesse en quête de repères et sans perspectives d’avenir. La discorde règne également parmi les descendants de Nelson Mandela, qui se disputent le pouvoir et la richesse pour leur propre intérêt. Même la famille de Mandela a été touchée par ces querelles de succession. Le navire ANC, battant fièrement pavillon, tangue dangereusement et semble éviter de justesse les récifs politiques qui risquent de le conduire vers une mer agitée et potentiellement fatale lors des prochaines élections en Afrique du Sud.
Assisterons-nous à une seconde mort pour « Madiba » national, victime de la guerre fratricide menée par ses héritiers pour le pouvoir et la richesse? Rien n’est moins certain, mais cela serait dommage pour la « nation arc-en-ciel » qui serait renvoyée en arrière et revivrait les années de souffrance pour les Noirs et, par ricochet, pour toute l’Afrique du Sud, où l’insécurité continue de monter en flèche.
En fin de compte, la seule pensée qui habitera l’esprit de tout un peuple sera celle de la perte de Nelson Mandela.